SOUAD MASSI
ICÔNE FRANCO-ALGÉRIENNE, SOUAD MASSI EST UNE DES GRANDES CHANTEUSES AUTEURES-COMPOSITRICES ACTUELLES. SON TIMBRE SOYEUX, PROPICE À LA CONFIDENCE, SE FAIT AUSSI PLUS VÉHÉMENT ET ENGAGÉ.
DISTRIBUTION : |
Voix, guitare : Souad Massi
Violon : Mokrane Adlani
Mandole, guitare : Malik Kerrouche
Percussions : Adriano Dos Santos, Rabah Khalfa
SOUAD MASSI : |
Née en 1972 sur les coteaux d’Alger, à Bab-el-Oued, Souad Massi a appris la guitare, le répertoire arabo-andalou et la musique classique occidentale à l’Association de l’École des Beaux-Arts. Femme de convictions, Souad Massi est l’une des plus belles voix d’Afrique du Nord et l’une des plus engagées. Elle aborde dans ses chansons des thématiques fortes et elle appelle également à l’extrême honnêteté de l’introspection et à la définition des choix intimes. Souad Massi, la voix douce du folk chaâbi et des mouvements contestataires depuis plus de 20 ans, chante avec force et douceur son besoin d’être apaisée.
LA PRESSE EN PARLE : |
Libre et engagée
« Mes chansons ne sont que l’écho de ce dont est faite la vie. Elles expriment des choses qui m’attristent quand d’autres me rendent légère, nous assure Souad Massi dans une brasserie du 9e arrondissement, à Paris, où elle a ses habitudes. Ce que me renvoie le monde avec la guerre, le chaos et les comportements humains me rend triste. Face à tout cela, je veux m’indigner, réagir, résister à travers mes chansons, mais aussi y exprimer ce qui est porteur de lueurs d’espoir. »
C’est pour cette raison qu’elle a choisi de se montrer avec des fleurs sur la pochette, explique-t-elle. Deux pâquerettes posées sur ses yeux clos. Des fleurs libres et sauvages qui poussent là où bon leur semble. « Je pense que je n’ai jamais parlé autant d’espoir qu’à travers Sequana », insiste la?chanteuse. Dès la ballade d’ouverture, Dessine-moi un pays, une chanson folk mélancolique en arabe – le registre dans lequel elle excelle –, elle évoque « ces jeunes se jetant à la mer à la recherche d’une vie meilleure et qui meurent au fond de l’eau. J’y demande à un artiste peintre de me peindre un pays où l’on peut vivre, rêver, aimer, dire ce que l’on pense sans avoir peur ».
Ce sentiment d’espoir court encore à travers le texte d’ Une seule étoile, dansant sur une mélodie joyeuse, ou de la bossa-nova L’Espoir, deux chansons en français, écrites pour elle par le chanteur et guitariste Michel Françoise, avec qui elle avait déjà collaboré sur l’un de ses albums précédents, O Houria (2010). La voix de Souad Massi vogue avec la même aisance dans les hauteurs célestes et dans les graves profonds, tels ceux dans lesquels elle plonge pour Victor, un titre dédié au chanteur chilien Victor Jara, assassiné lors du coup d’Etat du 11 septembre 1973, à Santiago, qu’elle avait entendu pendant son adolescence en Algérie et a redécouvert récemment. « Ses textes magnifiques disent que les poètes n’ont pas peur. Je ne pouvais pas prendre une autre voix que celle qui porte l’écho de son engagement. J’ai voulu un peu le ressusciter avec ce timbre grave. »
MA VIE EN MUSIQUE – Un pied en Kabylie, un autre en France, la chanteuse mêle le folk et le chaâbi de son enfance. De Chopin à AC/DC, de Taos Amrouche à Paco de Lucia, elle raconte ses musiques de cœur à l’occasion de la sortie de “Sequana”, son nouvel album.
Avec sa voix haute et chaude, sa guitare folk en bandoulière et sa simplicité désarmante, Souad Massi est l’une des chanteuses les plus émouvantes de la diaspora algérienne. Elle est aussi l’une des rares interprètes arabophones à s’être imposées dans le milieu de la chanson française. De la scène rock algéroise aux duos avec Marc Lavoine ou Florent Pagny, la chanteuse berbère grandie dans une famille de mélomanes a ainsi construit sa carrière à cheval entre les cultures, en fusionnant folk et chaâbi, guitare et mandole, nostalgie kabyle et blues de gavroche. Sur Sequana, dixième album produit par Justin Adams, la folkeuse de 50 ans élargit aujourd’hui un peu plus ses horizons musicaux et se régénère du côté des Gnawas sahéliens, de la country américaine, du calypso trinidadien ou de la bossa-nova brésilienne. L’occasion de revenir sur les musiques qui ont baigné sa vie et continuent de la faire voyager.
La bande-son de votre enfance ?
À Alger, où j’ai grandi, j’ai été nourrie de toutes sortes de musiques. Le chaâbi, notamment, était omniprésent, aussi bien dehors qu’à la maison. Le week-end, mes cousins se mettaient souvent au balcon pour jouer du chaâbi, à la guitare, au mandole ou au oud. Mon père aimait beaucoup aussi. Tous les vendredis, il mettait un vieux vinyle sur sa platine. L’objet était sacré, on n’avait pas le droit d’y toucher : trop fragile, disait-il. El Hachemi Guerouabi faisait partie des chanteurs qu’il préférait. Ya el Warka ( la lettre ) est la lettre d’amour et de nostalgie d’un homme éloigné de sa bien-aimée : une chanson triste et belle à la fois.
La chanteuse préférée de votre mère ?
Ma mère, petite, était scolarisée chez les Pères blancs et en a gardé le goût pour les voix et l’opéra. Ça la faisait rêver. À la maison, elle écoutait Brassens et Piaf. Non, je ne regrette rien est une chanson qu’elle pouvait écouter en boucle quand elle était énervée et qu’elle faisait le ménage pour se calmer ! C’est elle qui m’a fait découvrir la chanson française. Mon oncle, musicien de jazz, de classique et de flamenco, jouait aussi Brassens à la guitare. J’avais 5 ou 6 ans et je le regardais, en rêvant de produire un jour le même son.
La première musique que vous avez appris à jouer ?
Adolescente, j’adorais la musique classique, elle me faisait du bien. Mon grand frère prenait des cours de piano à l’association des Beaux-Arts d’Alger et pratiquait tous les jours à la maison. C’est lui qui m’a fait découvrir Chopin. Comme il jouait de plusieurs instruments, il m’a appris à jouer de la guitare. Pour l’anniversaire de mes 17 ans, il m’a inscrite à mon tour aux cours de l’association. Pour les revenus modestes de mes parents, le coût était conséquent, mais ils faisaient l’effort car les cours étaient réputés.
Une de vos voix folk préférées ?
En Algérie, nous regardions la télévision sur la chaîne unique qui nous laissait peu de choix : c’était soit un match de foot, soit un débat politique, soit un documentaire, soit un film égyptien ou américain. C’est la musique des westerns qui m’a donné le goût de la musique folk et country. Je me suis mise à écouter Kenny Rogers, Emmylou Harris, Joan Baez, ce qui a considérablement ouvert mes horizons.
La musique de vos débuts sur scène ?
J’ai commencé par chanter le flamenco avec le Triana d’Alger, à 17 ans. Je connaissais déjà Paco de Lucia, dont mon oncle jouait très bien le répertoire. À l’association des Beaux-Arts d’Alger, j’ai rencontré les neveux de Chico & Gypsies, qui adoraient aussi Paco et le flamenco. Nous avons fondé un groupe ensemble, mais j’avais tout à apprendre. J’avais déjà chanté en public avec mon frère, à une époque où j’étais tellement timide que je n’osais même pas aller commander un café. Les premières scènes ont été terribles. Entourée de cinq garçons, j’étais tétanisée par le trac. Puis nous avons fait de la télé, et il a bien fallu que je le surmonte.
Un morceau rock qui vous a marquée ?
J’ai découvert le rock en même temps que le flamenco. Je vois d’ailleurs un lien entre les deux : ce sont des musiques qui demandent pour le chanteur de se mettre à nu. Quand on est timide et qu’il faut crier, ça sort violemment. Après le Triana, j’ai rejoint le groupe Atakor, un groupe de rock algérois avec lequel j’ai repris AC / DC, les Rolling Stones, Aerosmith… C’était le début des années 1990. À cause du terrorisme, beaucoup de salles étaient fermées et nous ne pouvions même pas répéter. Pendant deux ans, nous avons essayé de résister. Cette aventure a donné un sens à ma vie, dans une période difficile. Avec Kashmir, de Led Zepelin, je veux saluer la mémoire de Selim, le leader d’Atakor, qui est mort du Covid, parce qu’il adorait cette chanson.
Le groupe fétiche de vos premières années en France ?
Je suis arrivée en France début 1999, quand j’ai été invitée par le festival Femmes d’Alger, au Cabaret sauvage. Et j’ai découvert la nouvelle chanson française. J’écoutais Louise Attaque en boucle. Gaëtan Roussel chantait de façon moderne, tellement différente de ce que je connaissais. De façon générale, j’ai toujours privilégié la beauté des textes, qu’ils soient en kabyle ou en français, j’ai besoin qu’une chanson me raconte une histoire et m’apprenne des choses. Mais il y avait chez Louise Attaque, comme chez Noir Désir, Indochine ou Téléphone, une belle énergie qui m’a emportée.
La musique à laquelle vous revenez toujours ?
Mes deux parents sont kabyles et la musique kabyle m’accompagne depuis l’enfance. Je suis sensible à sa poésie, que ma mère, qui écrivait beaucoup elle-même, prenait toujours soin de m’expliquer quand on écoutait Aït Menguellet ou Taos Amrouche à la maison. Cette dernière était une écrivaine et une cantatrice du début du XXe siècle, la première Algérienne à avoir chanté en kabyle avec une voix lyrique. Elle a vécu en France et y a enregistré de nombreux vinyles. Elle est morte peu après ma naissance, mais ses mots continuent de m’inspirer.
LE FOLK CHAÂBI : |
Du chant classique algérois découlait le genre medh qui, à base de poésie populaire, séduit un grand public car plus accessible. Bien qu’à l’origine chant religieux, celui-ci se transforme au profane en raison de la nécessité d’adapter les airs divins du classique dans un langage plus populaire. La méconnaissance de la langue classique par la population algérienne durant la période coloniale, notamment à cause de la destruction massive des écoles coraniques, allait profondément jouer sur ce changement. Les méfaits de la colonisation, amènent la population algérienne à se réfugier de plus en plus dans la tristesse de ce genre musical. De grands maîtres en furent issus et notamment à Alger Cheikh Mohammed Bensmain (1820-1870).
En parallèle du medh (chant religieux) qui est l’ancêtre du chaâbi, Alger possédait un autre genre musical populaire qu’on appelle aroubi et qui puise ses modes dans la musique arabo-andalouse. Au temps de Cheïkh Nador (décédé en 1926) il y avait une pléiade d’artistes meddah (interprète du medh) tels que Mustapha Driouèche, Kouider Bensmain, El Ounas Khmissa, Mohamed Essafsafi, Saïd Derraz, Ahmed Mekaïssi, Saïd Laouar, Mahmoud Zaouche. Au début du xxe siècle, existait déjà une tradition dans les fumeries de la Casbah d’Alger qui consistait à interpréter des istikhbar (improvisation musicale, prélude vocal improvisé sur un rythme libre) dans les modes musicaux sika et sahli tout en s’accompagnant d’un guember. À l’origine, les chants sacrés du medh étaient accompagnés par le son du deff et de bendir. Kouider, le fils du Cheikh Mohammed Bensmain, sera le premier dans ce style à adopter l’orchestre classique.
À l’orée des années 1920, certains meddah ont commencé à introduire des instruments à cordes dans leurs orchestres à l’image des orchestres du aroubi algérois. Cette époque a vu la prédominance des textes puisés dans les répertoires des poètes du Melhoun. Les musiciens ont commencé alors à adapter les textes interprétés aux modes andalous de l’école algéroise tout en travaillant la forme et l’orchestration. Le medh était confiné dans la casbah d’Alger surtout dans les fumeries, peu à peu les artistes ont commencé à se produire dans les cafés arabes d’Alger durant le mois du Ramadhan.
Cheïkh Saïd el Meddah de son vrai nom Malek Saïd a réalisé quatre enregistrements de textes profanes qui datent de 1924 et qui sont gardés par la phonothèque de la radio algérienne. Après le décès de Cheïkh Nador, c’est son élève M’hammed El Anka qui a pris le relais dans l’animation des fêtes alors qu’il n’avait que 19 ans. Sa jeunesse l’a aidé à avoir une nouvelle vision du medh. Il a pu donner une nouvelle impulsion au medh et a introduit dans les orchestres le Mandole algérien. Grâce aux moyens techniques modernes du phonographe et de la diffusion radiophonique, El Anka était devenu le promoteur du medh, il est considéré comme le plus grand interprète du genre.