COSI FAN TUTTE – WOLFGANG AMADEUS MOZART

 

Une production : Opéra Éclaté
Coproduit par : Clermont Auvergne Opéra et L’opéra de Massy
Direction musicale : Gaspard Brécourt
Mise en scène : Éric Perez
Lumières : Joël Fabing
Décors et Costumes : Patrice Gouron
Chef de chant : David Zobel

Distribution :

Fiordiligi : Julie Goussot / Charlotte Despaux
Dorabella : Éléonore Pancrazy / Ania Wozniak
Despina : Marielou Jacquard/ ND
Don Alfonso : Jean Gabriel Saint Martin/ ND
Ferrando : Jean Miannay / Blaise Rantoanina
Guglielmo : Mikhael Piccone / Lysandre Châlon

 

Dans cette nouvelle collaboration avec Éric Perez, l’opéra éclaté revient sur la scène du forum avec « Cosi fan tutte » l’un des opéras les plus populaires de Mozart, dernier opus de la trilogie associant Mozart et da ponte, son librettiste.

Farce invraisemblable, fable philosophique sur l’amour, tragi-comédie romantique et désespérée, « Cosi fan tutte » est tout cela. Profondément convaincu de l’infidélité des femmes, le cynique Don Alfonso provoque ses jeunes amis Ferrando et Guglielmo en mettant en doute la constance de leurs fiancées. Alfonso leur propose le plan suivant : annoncer à leur belle leur départ à la guerre, puis revenir sous les traits de soldats albanais, prêts à tout pour séduire les fiancées esseulées.

Quand le livret est signé Lorenzo da Ponte, et quand Mozart en compose la musique pour une troisième collaboration après « Les Noces de Figaro » et « Don Giovanni », cette recette produit inévitablement un chef-d’oeuvre : entre rire et larmes, douleur et joie, et avec tout ce qui compose le fonctionnement de la nature humaine, cette oeuvre qui met en évidence la fragilité et l’inconstance des sentiments, est une véritable leçon de vie !

 

COSI FAN TUTTE :

 

Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791)

 

Cosi fan tutte est le dernier des trois opéras que Mozart a composés sur un livret de Da Ponte. L’œuvre a longtemps été jugée frivole et insignifiante, voire triviale. Ce n’est qu’au début du XXe siècle qu’elle a été réhabilitée, la plaçant sur un plan d’égalité avec Les Noces de Figaro et Don Giovanni. Sans rôle-titre, ni personnage principal, Cosi fant tutte est avant tout un opéra d’ensembles, un jeu entre six personnages.

Pendant longtemps Cosi fan tutte a été la cible de sévères critiques

Les compositeurs n’ont pas toujours été tendres entre eux. Beethoven trouvait le livret de Cosi fan tutte salace. Quelques décennies plus tard Wagner estima qu’il était honteusement immoral tandis qu’il jugeait la musique médiocre. Même Da Ponte, le librettiste, ne fait qu’une courte mention de l’œuvre dans ses mémoires, et encore en la nommant par son sous-titre La Scuola degli amanti (L’école des amants). Il a fallu attendre le début du XXe siècle pour que l’ouvrage soit réhabilité, grâce notamment à Richard Strauss qui en a fait son opéra de Mozart préféré, ou encore Gustav Mahler qui l’a dirigé à Vienne.

Pourtant Cosi fan tutte a été bien accueilli à sa création au Burgtheater de Vienne, le 26 janvier 1790. Mais un mois plus tard, après la dixième représentation, sa carrière est stoppée nette en raison du deuil qui s’abat sur la Cour. L’Empereur Joseph II vient de mourir, et les théâtres reçoivent l’ordre de fermer. Le Burgtheater ne rouvrira qu’en juin, et l’opéra ne bénéficiera que de quatre représentations supplémentaires, avant de disparaître de l’affiche.

 

L’INTRIGUE :

 

C’est ce même Jospeh II qui avait commandé à Mozart l’ouvrage. Il se dit qu’il a lui même choisi le sujet, à partir d’une histoire qui avait amusé le tout-Vienne peu de temps auparavant, celle de deux officiers de Trieste qui avaient échangé leurs femmes. Il n’a jamais été prouvé que cette aventure ait été réelle, mais c’est bel est bien sur un échange d’amants qu’est bâti Cosi fant tutte. Le scénario est d’ailleurs assez simple : deux jeunes officiers, Ferrando et Guglielmo, sont fiancées à deux sœurs, respectivement Dorabella et Fiordiligi. Personne au sein de ces deux couples ne doute de la fidélité de l’autre, jusqu’au jour où Don Alfonso affirme à ses deux amis que la fidélité des femmes en général est toute légendaire. Avec l’aide de la soubrette Despina, il leur propose de les mettre à l’épreuve. Les deux officiers feignent un départ précipité pour la guerre et reviennent déguisés en Albanais. Chacun des deux séduit la fiancée de l’autre. Devant leur résistance, ils vont même simuler un empoisonnement dont Despina déguisée en médecin les sauvera. Finalement les deux sœurs, se laissent attendrir et cèdent aux avances des deux Albanais, allant jusqu’aux portes du mariage que Despina, cette fois travestie en notaire, s’apprête à célébrer au moment où la supercherie est révélée. Don Alfonso, qui gagne ainsi son pari, pourra s’écrier « Cosi fan tutte » : Ainsi font-elles toutes.

La principale caractéristique de Cosi fan tutte es d’être un opéra d’ensembles. Il n’y a pas de rôle-titre, ni même véritablement de rôle principal, mais un quatuor constitué des quatre jeunes gens, qui vont être manipulés par Don Alfonso et Despina. Chacun des personnages possède son importance propre et participe à l’intrigue. L’ouvrage comporte quinze ensembles et deux finales pour onze airs. L’ensemble le plus célèbre est très certainement le trio des adieux « Soave sia il vento » chanté par les deux sœurs et Don Alfonso, qui prient pour que les vents soient favorables aux deux officiers soi-disant partis à la guerre. Il s’agit d’un moment d’une délicatesse et d’une sérénité absolues, dans lequel les cordes et les bois évoquent le murmure du vent et des vagues. Au tout début de l’opéra, la première scène n’enchaîne pas moins de trois trios, au cours desquels va se nouer le pari que lance Don Alfonso. Toujours à l’acte I, le quintette «  Sento, o dio » est un autre grand moment. Les deux sœurs expriment leur chagrin devant leurs fiancés qui feignent le désespoir, le tout en présence de Don Alfonso plus ironique que jamais. Il faut aussi souligner, au début de l’Acte II, le duo qui marque le revirement des deux sœurs « Prenderò quel brunettino » dans lequel elle choisissent, sans le savoir, le fiancé de l’autre «  Je prendrai ce petit brunet » chante Dorabella en parlant de Guglielmo, le fiancé de Fiordiligi tandis que cette dernière affirme «  Avec le blondinet je veux un peu rire et plaisanter » en parlant de Ferrando, l’amant de sa sœur.

 

LE DÉCOR ET LES COSTUMES :

 

Pour illustrer le propos, j’ai choisi des costumes intemporels qui soulignent le dessein expérimental de l’oeuvre. La fable proche du marivaudage fonctionne et tire sa modernité si elle reste dans un contexte qui n’ait pas de références trop contemporaines. J’obéis toujours à un imaginaire issu de l’oeuvre et de la musique, l’opéra est un rêve ou un cauchemar, il est peuplé d’images fantastiques où les héros chantent leurs états d’âmes
comme personne ne le fait dans la vie réelle. Ainsi mes références seront proches d’Ingmar Bergman dans Cris et Chuchotements, de Marcel Bluwal dans son Don Juan avec Piccoli et aussi d’Alain Resnais dans Mon Oncle d’Amérique avec ses expériences sur le comportement humains. Le décor sera au service de l’expérience décrite plus haut, un laboratoire onirique où peuvent se révéler les caractères et les agissements de nos jeunes protagonistes. Il laissera la place à l’imaginaire sans donner d’explication, un cadre de scène au centre, presque un ring, théâtre de l’expérience. Tout autour, Don Alfonso et Despina tireront les ficelles au propre comme au figuré et mettront en place les éléments de décors et costumes qui seront à vue dès le début de l’ouvrage, accessoires de l’apprentissage.

 

NOTE DE MISE EN SCÈNE :

 

Est-il possible de monter « Cosi fan tutte » à l’ère du mouvement Me Too ? Je ne me serais jamais posé cette question si un « responsable culturel » n’avait pas émis cette opinion quand on lui soumettait notre projet de mettre en scène cet opéra. Monter le dernier opus de la trilogie Mozart Da Ponte, de nos jours, n’est donc pas un acte politiquement correct. Rien de tel pour me mettre en colère et donc me motiver.
Il faut déjà se rappeler que dans notre 19 ème siècle hypocritement vertueux, cet opéra a vécu une sorte de purgatoire, on le trouvait immoral Immoral, voilà donc un mot qui me plait, n’est-il pas du devoir de tout créateur de ne jamais se laisser guider par la morale frileuse du moment présent. Évidemment une lecture basique implique une conception misogyne de la pièce. « Elles font toutes comme ça ». Voilà le titre de l’ouvrage.
Mais que dit Despina ? « Une femme doit savoir…telle une reine du haut de son trône avec un « je peux et je veux » se faire obéir » Les leçons de cette oeuvre ne sont pas de dénoncer l’inconstance et la frivolité de la femme mais surtout de mettre en évidence la fragilité des sentiments humains, homme et femme. A défaut d’opposer les genres selon une certaine tendance actuelle, Mozart et Da Ponte
jouent entre rire et larme, douleur et joie, avec tout ce qui compose le fonctionnement de la nature humaine. Une initiation va se dérouler sous nos yeux. Certes cette manipulation est cruelle et perverse mais les épreuves sont toujours douloureuses sinon ce ne sont pas des épreuves. Sur scène nous voyons une expérience quasi scientifique, un laboratoire dirigé par un homme et une femme (Don Alfonso et Despina) qui tirent les ficelles.
Notre démiurge Alfonso accélère le temps comme si nos héros avaient vécu 10 ans. Cette accélération est nécessaire pour comprendre que la vie est plus complexe qu’elle ne semble l’être, que les illusions de l’amour de jeunesse ne sont vraiment que des mirages, que la fidélité n’est qu’un leurre qui ne résiste pas à l’épreuve du temps. Cosi est une oeuvre sensuelle, érotique, il est question de tentations, de corps mis à nus à
travers la douce tromperie du travestissement. Ce travestissement est la base de la révélation, c’est par lui que surgissent nos désirs les plus enfouis, les plus profonds. A la fin de l’ouvrage, nos héros sont bouleversés, amers mais transformés et libres. Le chemin pour accéder à cette liberté est semé d’épreuves blessantes, de souffrances et de désillusions. Don Alfonso et Despina libèrent nos quatre héros, leur ôtent leurs carcans, les déshabillent symboliquement afin de montrer à notre siècle moralisateur que Mozart et Da Ponte, par leur génie hors de tout conformisme, nous offrent simplement la possibilité d’être libre, libre de créer comme on veut, libre d’aimer comme on veut.

Éric Perez

 

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